Des risques dont l’importance est très sous-évaluée
Si dans les services administratifs la fréquence et la gravité des risques professionnels courants est relativement faible, les risques liés aux postures prolongées de travail sur écran sont largement sous-évalués, et ce pour différentes raisons.
Tout d’abord, on a tendance à imaginer que la position assise ne présente aucun danger contrairement à ce qui se passe dans des milieux de travail plus physique.
Par ailleurs, au-delà des troubles musculosquelettiques et des problèmes de vue, il n’est pas simple de faire le lien entre le travail sur écran et nombre de problèmes de santé que les postures prolongées peuvent produire.
C’est la raison pour laquelle les personnels concernés se tournent quasi systématiquement vers médecins de ville, kinésithérapeutes, ostéopathes…, pour ne citer que les principaux, lesquels s’efforcent généralement de traiter les effets sans développer la recherche des causes.
Dans certains cas, lorsque les effets deviennent irréversibles, on assiste à une dégradation de l’état de santé des personnels, synonyme d’absentéisme, avec risque d’inaptitude au travail, et, pour leurs vieux jours, des problèmes sérieux voire handicapants, dans un contexte où le travail et la santé des seniors représentent un enjeu important pour les années à venir.
Quels sont les risques liés au travail sur écran
Les plus évidents, ce sont les troubles musculosquelettiques (TMS) au niveau des membres supérieurs et du dos (pour l’INRS, «3 à 4 % des TMS reconnus comme maladies professionnelles en France sont attribuables au travail sur écran »), ainsi que les problèmes de vue.
Les plus difficiles à cerner sont les effets du manque de mobilité du diaphragme, des membres inférieurs, de la colonne vertébrale, et aux courbes inadéquates de celle-ci, et du manque d’exercice. Ils touchent à l’oxygénation des organes, au retour veineux, à la digestion, à la dégradation des articulations…, le phénomène étant aggravé par les situations de stress, et amplifié par le développement de l’utilisation hors travail de microordinateurs et autres outils de communication tels smartphones, tablettes numériques, réseaux sociaux, dans des conditions posturales souvent minimalistes.
Principale difficulté : le changement d’habitude
Il est difficile en effet pour chacun d’apprécier si sa posture est bonne ou à risque : d’une part l’on ne se voit pas, et par ailleurs l’on a naturellement tendance à imaginer que la solution passe par l’acquisition du bon siège, du bon repose-pied ou encore de la bonne souris, et pourquoi pas sans fil…, alors qu’il suffit de transformer ses habitudes posturales. Or transformer ses habitudes n’est pas simple, le naturel revenant très vite au galop, d’autant que le changement de posture s’accompagne généralement de douleurs qui s’estompent en quelques semaines.
Notre démarche
Notre expérience nous a montré qu’il ne suffit pas de montrer aux intéressés la bonne posture, sous réserve que celle-ci existe. Par ailleurs, un changement de posture habituelle s’accompagne généralement de douleurs qui amènent les intéressés à revenir à leur situation posturale antérieure.
Notre démarche se veut durable et s’appuie sur plusieurs étapes :
- diffusion d’un questionnaire individuel et confidentiel santé, situations et environnement de travail : appuyé par une synthèse anonymisée des informations recensées, c’est à ce stade une première prise de conscience par chacun de l’importance du sujet ;
- présentation en collectif d’un diaporama pédagogique, accessible à tous publics : outil de vulgarisation de notions anthropologiques et médicales étayé par des schémas, photos et vidéos, il liste les différents risques induits par les postures prolongées, que celles-ci soient adéquates ou non : face à la mise en évidence de la façon dont notre organisme réagit, chacun comprend qu’il est le premier acteur de la transformation de ses habitudes posturales ;
- immédiatement après, intervention sur chaque poste de travail, avec mise en évidence en commun du lien entre postures habituelles et réponses au questionnaire : au-delà des réglages possibles sur les matériels en place, il s’agit alors de construire ensemble des propositions de d’évolution pour chaque environnement de travail, et, si nécessaire, de choix de matériels et de mobiliers qui s’imposeraient, voire de transformations à envisager à moyen et long termes ;
- fourniture à chacun de documents et autres vidéos pédagogiques rappelant le contenu du cours et proposant des vidéos d’exercices visant à compenser les effets des postures prolongées ;
- enfin, un second questionnaire individuel assorti d’une synthèse des résultats communiquée à tous permet à chacun d’évaluer le bénéfice de l’opération tant pour lui-même que pour le collectif de travail.
Les conditions de réussite
Pour mener à bien une telle opération, il faut en amont l’implication de la direction, de la hiérarchie, de la DRH, des représentants du personnel (CHSCT…), du médecin du travail (de prévention), de l’infirmier(ère), des préventeurs, des décideurs, des techniciens et des acheteurs en charge de l’aménagement des bureaux…, de façon à construire collectivement un mode opératoire d’intervention qui permette à chacun sur le terrain de recevoir une information personnalisée, et à tous d’envisager une réflexion partagée sur les paramètres influant sur les risques en question : aménagement des postes, organisation du travail, mais aussi contenu du travail, risques psychosociaux…
En aval il faut élaborer des modalités de suivi en interne visant à maintenir les esprits en éveil sur le sujet : désignation et formation de référents chargés des (ré)implantations de postes de travail écran et du rappel régulier à l’attention de tous des réflexes posturaux à entretenir, questionnaires périodiques destinés à mesurer l’évolution de l’impact de l’opération, suivi médical pour les cas le justifiant…, et surtout : communication sur les résultats obtenus.